Il y a en matière culturelle une exception française que le monde anglo-saxon nous jalouse. En matière automobile de haut de gamme, c’est –jusqu’ici !- bien différent. Depuis des lustres, les constructeurs français ne sont plus parvenus à desserrer l’emprise envahissante des constructeurs germaniques, maîtres en la matière.
Jusqu’à la Citroën DS5, qui pourrait bien –enfin !- changer la donne. Question de culture, question de style… Cette fois sera t-elle la bonne ?
Cerise sur le gâteau, la DS5 la joue aussi techno, avec une version hybride diesel, dont nous vous proposons également l'essai en vidéo.
Par Jean-Michel Cravy
Prenez le cinéma ou la musique. Depuis des décennies, l’Europe, et la France, sont l’objet d’un impérialiste « blitzkrieg » économico-médiatique de la triomphante Amérique. Auquel, presque seuls en Europe, les petits Gaulois ont su résister, avec le succès que l’on sait.
Prenez l’industrie automobile. Là, incontestablement, les Français ont été nettement moins bons. Voire franchement mauvais. Malgré de nombreuses tentatives plus ou moins désordonnées, les constructeurs français n’ont jamais pu reprendre la main face à la triomphante industrie allemande du haut de gamme, depuis la disparition des Facel Vega, Delage et autres Delahaye, au milieu du siècle dernier. Témoins les Renault Vel Satis ou Avantime et autres Peugeot 607 qui n’ont jamais pu desserrer l’étau. Et ce n’est pas une Renault Latitude, pitoyable clone d’une anonyme Samsung coréenne qui changera la donne…
Mais voilà. Si il y a une marque française qui depuis quelques temps parvient à fournir une réponse à cette fatalité, c’est Citroën. Qui, sous l’influence du designer de grand talent Jean-Pierre Ploué, a su retrouver les racines qui ont jadis fait la gloire de la marque aux chevrons, et le goût de la (re)conquête.
Ça a commencé avec le concept de la gamme DS, variation « chicos » de produits classiques, et évidente référence « culturelle », cultuelle même, à la si fameuse DS qui fait à juste titre la fierté de la marque, dans une ré-interprétation moderne. Ce fut d’abord la très séduisante DS3, puis la DS4, un peu moins convaincante il faut l’avouer, et maintenant la DS5… une variation décalée et très haute couture de la C5, qui ne manque pourtant pas d’allure, elle aussi. Mais à côté de la nouvelle venue, celle-ci pourrait presque passer pour une berline passe partout ! Parce que là, pas de doute, elle s’est lâchée, la bande à Ploué… Chaque designer, dans son domaine, a fait assaut d’audace et d’originalité. Et l’Etat major n’a pas été en reste en osant valider l’objet.
Une carrosserie hybride, « ni vraiment berline, ni tout à fait coupé, ni franchement break », aux formes sculptées à l’extrême, maniérées même diront certains, dont on ne cesse de découvrir de nouvelles subtilités d’un dessin très complexe au gré de changeants reflets de lumière.
Une auto qui, à l’évidence, ne s’appréhende pas en un rapide coup d’œil, même si l’œil est d’abord accroché par ce long parement chromé en forme de sabre qui surligne les optiques, les ailes avant, jusqu’à mi-hauteur des montants de portières. Surprenant, vraiment. Choquant au premier abord. Et puis on s’y habitue, et puis on y adhère…
L’objet, qui se veut donc la version « hype/branchée » de la C5, est en fait posé non sur sa plateforme, mais sur celle d’une… Peugeot 3008 (ou C4 Picasso si vous avez le patriotisme de marque), ce qui signifie entre autres l’abandon, cette fois définitif semble t-il, de la fameuse suspension hydropneumatique qui avait fait l’autre grande réputation de la marque aux chevrons, dans des dimensions très musclées (4,53 m de longueur – à comparer aux 4,83 m d’une C5 Tourer - et carrément 1,83 m de large). Imposant ! Surtout dans les manœuvres urbaines, avec un rayon de braquage de 11,2 mètres, pas franchement de quoi faire un alerte demi-tour sur place. D’autant que la vision vers l’arrière est plus que limitée…
A l’intérieur également, la DS5 soigne sa mise et met les petits plats dans les grands. A commencer par une planche de bord qui lui est personnelle, et ne doit rien, au contraire de ses petites sœurs de la gamme DS, au mobilier standard de la maison. Là encore, on passe un long moment à contempler dans le détail le tableau (de bord !) qui s’offre à soi.
Et des détails, il y en a… Le volant ouvragé au méplat inférieur très marqué ; les compteurs au dessin moderne ; soigneusement travaillé ; l’affichage tête haute hérité de la Peugeot 3008 ; l’horloge de bord au dessus du bouton de démarrage, qui dispense, dès le niveau deux, de sortir la clé de contact de sa poche ; le pédalier « façon sport » ; la console centrale ornée de métal guilloché qu’on retrouve aussi sur les contre portes, recelant diverses commandes, dont celle contrôlant l’écran multifonctions qui inclut une navigation GPS intégrée. Et en levant les yeux, la superbe console de pavillon façon aviation, entourée de deux demi-toits vitrés protégés par des velums à commande électrique.
On en oublierait presque, parce qu’on est assis dessus, la superbe sellerie « bracelet-montre » en cuir fauve, rehaussée, elle aussi, de décors métal « qui tuent ». Absolument indispensable, même si pour l’avoir il faut s’acquitter, sur la finition Sport & Chic, d’un « petit » supplément de 1 800 € ! Mais quand on aime… vous connaissez la chanson. L’ensemble, en tout cas, respire le soin dans le détail, et une ambiance haut de gamme « à la française » qui ne doit rien à l’interprétation habituelle du luxe « germanique ». ça change, et c’est bien rafraîchissant…
Côté accueil, le coffre sous hayon affiche une capacité de 465 dm3 (à mi-chemin donc d’une C5 berline et d’une C5 Tourer), et une habitabilité très satisfaisante… pour quatre. Oui parce que la place centrale de la banquette arrière est à réserver, en raison de son inconfort, à ceux qu’on déteste cordialement sans oser leur dire…
Mais une auto, aussi soignée soit-elle dans sa présentation et l’ambiance intérieure qu’elle dispense, c’est aussi une auto-mobile ! C’est-à-dire une voiture qui roule. Des mécaniques. Au programme de la DS5 donc, deux indispensables moteurs diesel : un modeste e-HDi 110 pour l’entrée de gamme, un HDi nettement mieux calibré pour le gabarit et le poids de l’auto, avec ses 163 chevaux, qui lui peut être attelé au choix à une boîte manuelle ou une boîte auto à six rapports. Et deux motorisations essence turbocompressées à injection directe : un THP 155 ch (boîte auto 6) et un THP 200 chevaux (boîte manuelle 6 rapports) directement emprunté à la très sportive… Peugeot RCZ, rien de moins !
De toutes ces mécaniques déjà connues par ailleurs, on dira que le diesel d’entrée de gamme est un peu léger pour le programme DS5, qu’il lui faut à l’évidence préférer le HDI 160, nettement plus étoffé avec ses 340 Nm de couple, disponibles dès les plus bas régimes. Côté essence, le THP 155 peut être une bonne alternative au diesel pour ceux qui en ont soupé du mazout, et surtout permet d’accéder à la DS5 à moins de 30 000 €, avec des performances en rapport, que n’offre pas le HDi 110. Quant au THP 200, on dira de lui qu’il est assez anecdotique, et qu’il le restera dans sa diffusion, en France en tout cas. Ah certes, les performances sont là (235 km/h en pointe, 0 à 100 km/h en 8,2 secondes avec la boîte manuelle).
Mais cette mécanique met en lumière les limites du jeu en ce qui concerne la DS5 : un moteur trop bruyant dans les hauts régimes à cause de sa « boîte à bruit », déjà difficile à supporter dans la Peugeot RCZ, et carrément incongrue ici, une suspension abaissée de 10 mm et durcie, assortie à de grosses et belles roues de 19 pouces, mais qui dispense un confort pour le moins rugueux. On en viendrait presque à regretter le « bon vieux temps » de la suspension hamac qui avait tant fait pour la réputation controversée de la marque ! D’autant plus que si la tenue de route en elle-même ne fait pas débat, avec une belle maîtrise du roulis en grandes courbes, on ne peut vraiment pas dire que cette DS5 fasse preuve d’une agilité et d’un dynamisme de voiture de sport dans les petits coins. Il ne faut pas tout confondre…
Plus intéressante peut-être est la motorisation hybride, héritée en droite ligne de la Peugeot 3008 Hybrid4 lancée récemment. Le mariage –réussi- entre un 2 litre diesel HDi 160 animant traditionnellement les roues avant, et une motorisation électrique assurant un complément de 37 chevaux via les roues arrière, soit un total de 200 ch et carrément 500 Nm à pleine charge.
Si les performances pures sont nettement inférieures à celles délivrées par le THP 200 (211 km/h en pointe, 0 à 100 en 8,6 secondes), cette version hybride diesel permet d’afficher une consommation théorique de l’ordre de 4 litres aux 100 (sensiblement plus quand même en utilisation réelle, surtout quand on a le pied lourd pour exploiter au mieux les prestations), et des émissions de CO2 contenues à 107 g/km (et même 99 grammes si on se contente de petites roulettes de 17 pouces) sachant que le bon compromis tenue de route/confort se situe avec les jantes de 18 livrées en série…
Et puisqu’on en vient à la dotation de série, parlons tarifs. Cette DS5 se veut le haut de gamme, le porte drapeau de la marque, si l’on excepte la C6, désormais confidentielle et réservée aux ministères. On ne s’étonnera donc pas d’une gamme de prix qui commence tout juste sous la barre des 30 000 €, pour culminer à presque 44 000 €, s’agissant de la version Hybrid4 dans sa finition la plus sophistiquée, Sport & Chic. Ce qui, tous comptes faits, n’est pas si excessif que ça, au vu des tarifs pratiqués par la concurrence, celle en tout cas qui tient le haut du pavé, suivez mon regard…
Dès lors, on se dit que cette DS5, née sous les meilleures auspices, a presque tous les atouts dans son jeu pour faire une belle carrière, alternative aux classiques haut de gamme allemandes. Et c’est bien tout le mal qu’on lui souhaite. Et qu’on se souhaite…
J.-M. C.
Voir également les vidéos que nous avons consacrées aux versions HDi 160 et Hybrid4
Citroën DS5
La technique
Dimensions (L/l/h) : 4,53/1,87/1,51 m
Empattement : 2,72 m
Poids : 1 660/1 7735 kg
Les motorisations
THP 155
Puissance : 156 ch à 6 000 tr/mn
Couple : 240 Nm à 1 400 tr/mn
Consommation mixte : 7,1 l/100
Emissions de CO2 : 165 g/km
THP 200
Puissance : 200 ch à 5 500 tr/mn
Couple : 275 Nm à 1 700 tr/mn
Consommation mixte : 6,7 l/100
Emissions de CO2 : 155 g/km
e-HDI 110
Puissance : 112 ch à 3 600 tr/mns
Couple : 270 Nm à 1 750 tr/mn
Consommation mixte : 4,4 l/100
Emissions de CO2 : 114 g/km
HDi 160 BVM6 :
Puissance : 163 ch à 3 750 tr/mn
Couple : 340 Nm à 2 000 tr/mn
Consommation mixte : 4,9 l/100
Emissions de CO2 : 129 g/km
Hybrid4 :
Puissance : 163 ch à 3 850 tr/mn + 37 ch électriques à 1 290 tr/mn
Couple : 300 Nm à 1 7 50 Nm + 200 Nm électriques instantanés
Consommation mixte : 4,1 l/100 (monte 18 pouces standard)
Emissions de CO2 : 107 g/km (monte 18 pouces standard)
La gamme, les tarifs
Essence
THP 155 Chic BVA6 29 900 € Malus : 750 €
THP 155 So Chic BVA6 32 600 € Malus : 750 €
THP 200 So Chic BVM6 33 700 € Malus : 200 €
THP 200 Sport Chic BVM6 37 700 € Malus : 200 €
Diesel
e-HDi 110 Airdream Chic BMP6 29 300 € Bonus : 0
e-HDI Airdream So Chic BMP 6 32 000 € Bonus : 0
HDi 160 So Chic BVM6 33 600 € Malus : 750 €
HDi 160 So Chic BVA6 35 000 € Malus : 750 €
HDi 160 Sport Chic BVM6 37 600 € Bonus : 0
HDi 160 Sport Chic BVA6 39 000 € Malus : 750 €
Hybrid4
Hybrid4 Airdream So Chic BMP6 39 950 € Bonus : 2 000 €
Hybrid4 Airdream Sport Chic BMP6 43 950 € Bonus : 2 000 €