Le VW Sharan et son clone, alias Seat Alhambra, remettent les pendules à l’heure dans une catégorie qui, jusqu’à leur arrivée, ronronnait tout doucement, dans une espèce de léthargie qui précède une inéluctable mort douce.... Ces deux-là, pourtant, réveillent l’espèce, et la sauvent de ce dangereux sommeil. Entre eux, c’est juste une histoire de prix. Nous avons voulu en savoir plus…
Par Jean Bourquin
Ils ne sont plus très nombreux sur ce créneau. Il y a d’abord l’Espace, qui vieillit, certes bien, sans qu’on sache s’il sera un jour remplacé. Diverses rumeurs contradictoires circulent à ce sujet, et dans ces cas-là, la seule chose à faire, c’est attendre et voir. Il y a aussi le Chrysler Voyager, dont l’actuelle génération, apparue il y a trois ans, peine à percer dans nos contrées en raison de ses déficiences, en action en particulier.
Il y a toujours l’antédiluvien couple C8/807, « revisité » à diverses occasions passées inaperçues. A se demander pourquoi Citroën et Peugeot les maintiennent encore sous perfusion, surtout quand dans leurs gammes respectives oeuvrent les redoutables Grand Picasso et 5008. Passons… Et puis, il y a le Ford Galaxy, récemment restylé et revu, très bien sous tous les rapports et seul engin de cette courte liste en bonne forme. Sa variante dite S-Max, au demeurant grosse best-seller quant à elle, joue hors-concours, tant elle est atypique. Nous en reparlerons plus en détails, entre parenthèses.
C’est dans ce contexte guère enthousiasmant que débarque le tandem composé des Volkswagen Sharan et Seat Alhambra. Utile précision : il s’agit du même véhicule, aux calandres et dessins des feux arrière près. Contrairement au reste de sa gamme, formée de voitures très distinctes des Volkswagen dont elles reprennent pourtant plate-formes et motorisations, Seat se contente ici d’un bon vieux « copier-coller ». En vendant l’article à moindre coût. Nous en reparlerons.
En attendant, le couple engendré par le groupe Volkswagen replace l’espèce dite « grand monospace » en déshérence on l’a vu, sous les feux de l’actualité. Et semble en mesure de repousser sa marginalisation, voire son extinction, à une date ultérieure.Tout simplement parce que le produit est bon. Excellent, même.
Pour commencer, les fondamentaux sont ici respectés à la lettre. Longs de 4,85 m et reposant sur un empattement qui s’étend sur 2,92 m, les deux engins offrent un habitacle spacieux, dans des proportions qui forcent le respect. Premier bon point. Le second concerne la modularité, laquelle reprend à son compte des recettes éprouvées. Trois sièges séparés de taille égale composent la seconde rangée, ils coulissent sur 16 cm et se rabattent en un seul mouvement pour former un plancher alors complètement plat. La capacité de chargement passe, du coup, de 809 à 2 430 litres. La maison VW a vu large.
A noter : les deux sièges supplémentaires sont livrés en option, de part et d’autre, à chaque niveau de finition. L’espace dégagé pour les jambes s’avère ici plus généreux qu’à l’ordinaire, à tel point que deux adultes y prennent place sans trop souffrir le martyre. Le fait est à souligner. Enfin, les immenses portières arrière coulissantes – électriques en option sur la seconde finition et en série sur la troisième, des deux côtés – s’ouvrent dans les grandes largesses, histoire d’accéder à ce bel ensemble le plus aisément possible.
Pour le reste, c’est du Volkswagen pur jus, de la qualité de fabrication irréprochable à l’organisation très rationnelle des commandes, dénuée de toute originalité. Dernière remarque, la position de conduite n’appelle pas la critique, le pédalier étant placé suffisamment loin du siège. Les jambes du conducteur ne sont dès lors pas trop pliées – le gros problème des monospaces, en général et toute espèces confondues. En sus, le volant se règle dans les deux sens sur de fortes amplitudes. Bref, c’est le sans-faute, et on n’en attendait pas moins de la part du groupe allemand.
La bonne surprise, c’est la conduite. Les mensurations comme le profil « mastoc » de l’engin laissaient en effet craindre un comportement de péniche prise dans la tempête, avec force tangages et roulis en perspective. Il n’en est rien, bien au contraire. De fait, la caisse est très bien tenue par une suspension rigoureuse. Sans vraiment virer à plat – il ne faut pas exagérer - Sharan et Alhambra ne donnent pas le mal de mer à leurs occupants, ce qui n’est pas à la portée du premier monospace, surtout de cette taille, venu. Mieux, les vertèbres desdits occupants ne remontent pas dans leur cervelet, et c’est ce qu’on appelle un bon compromis. Totale réussite de ce côté-là. Le guidage des trains roulants, la précision de la direction et la tenue de route en général appellent le même commentaire. Moralité, le conducteur mène le véhicule sans déplaisir, une nette avancée s’agissant d’un monospace de cette nature.
Les motorisations proposées sont dans le ton, notre coup de cœur allant au bloc essence 1.6 TSI de 150 ch – injection directe et turbo, pour rappel. Voilà un moteur comme nous les aimons, plein et énergique, doux et agréable à vivre au quotidien. Cela dit en passant, il pèse moins que les diesels sur l’avant, et donne du coup à l’engin le zeste d’agilité qui lui fait défaut quand il carbure au gazole. Nous invitons, ce faisant, les « petits rouleurs » à consulter attentivement les tarifs indiqués ci-dessous. Ils y découvriront des écarts de prix significatifs entre cette motorisation et le diesel 2.0 TDI de 140 ch, l’amortissement de ce dernier n’étant dès lors garanti qu’aux familles qui parcourent toute l’Europe dans tous les sens toute l’année. A méditer.
Lesdits diesels restent pour autant très recommandables. Les deux variantes de 140 et 170 ch du bien connu 2.0 TDI ont tout ce qu’il faut, là où il le faut, et elles permettent d’échapper au malus. En ce qui concerne le « 140 », c’est encore mieux avec la boîte robotisée DSG à six rapports, qu’on ne présente plus.
Au bilan, le groupe Volkswagen a frappé dans le mille, en présentant un engin qui bouscule (et reveille !) la hiérarchie de la catégorie. C’est ce qui se fait de mieux dans le genre, avec le Ford Galaxy pas loin dans le rétroviseur. La crème de la crème, donc. Reste à choisir entre les deux. Entre le Sharan et l’Alhambra. Là, ça se complique. Il est question d’argent, et mieux vaut lire ce qui suit avant de prendre une décision.
Radiographies comparées
Le VW Sharan et le Seat Alhambra sont identiques, mais le premier est plus cher que le second. Partant de là, rien ne justifie, dans les faits, ces différences de prix. Bien sûr, nous ne sommes pas naïfs. Sans le dire ouvertement, le groupe VW hiérarchise ses marques en fonction de leur image supposée – Volkswagen devant Seat, dans le cas présent -, et pratique une politique tarifaire en rapport. Reste que l’explication est un peu courte pour légitimer des écarts qui peuvent aller jusqu’à 3 654 € au plus haut des deux gammes…
Les équipements ne seraient pas répartis de la même manière, nous a-t-on dit de part et d’autre. Ce que nous avons voulu vérifier. Attention, c’est long, mais très instructif.
Pour comprendre ce qui suit, les deux gammes se déclinent selon le même schéma : trois motorisations – les mêmes de chaque côté, associées aux mêmes transmissions aux mêmes endroits – et trois finitions.
Premier niveau de finition
Reference pour l’Alhambra ; Trendline pour le Sharan
1.4 TSI 150 ch BVM6 – Alhambra : 28 700 € ; Sharan : 30 990 €
2.0 TDI 140 ch BVM6 – Alhambra : 31 150 € ; Sharan : 34 390 €
2.0 TDI 140 ch DSG6 – Alhambra : 33 650 € ; Sharan : non proposé
2.0 TDI 170 ch DSG6 – Alhambra : 34 850 € ; Sharan : non proposé
Ils ont en commun : ESP + antipatinage + régulateur de couple + diverses assistances au freinage ; direction asservie à la vitesse ; système Stop & Start ; 6 airbags ; airbags genoux conducteur. Autoradio –CD MP3 ; frein à main électrique ; jantes acier 16 pouces avec pneus anti-crevaison ; ordinateur de bord ; portes latérales coulissant manuellement ; régulateur de vitesse ; sellerie tissu ; 5 sièges indépendants ; volant réglable en hauteur et profondeur.
Le Sharan a en plus : système audio 8 HP – 4 sur l’Alhambra ; climatisation automatique bizone – manuelle sur l’Alhambra ; tapis de sol AV et AR ; volant cuir.
L’Alhambra a en plus : rails de toit noirs – 270 € sur le Sharan.
2 sièges supplémentaires
Alhambra : + 1 535 €. Avec climatisation automatique trizone.
Sharan : + 865 €. Idem.
Conclusion : en finition d’entrée de gamme, l’Alhambra est moins bien équipé que le Sharan, en configuration 5 places. Les différences de prix sont donc justifiées, à part le fait qu’elles prennent une ampleur inconsidérée avec la motorisation 2.0 TDI 140 ch BVM6. Avec ce moteur, et en ajoutant l’optionnelle climatisation automatique bizone (650 €), l’Alhambra prend donc l’avantage pour qui n’a cure des 4 HP et des tapis de sol supplémentaires. En configuration 7 places, la confrontation tourne clairement en sa faveur, puisqu’il gagne dans l’affaire la climatisation automatique trizone – 2 555 € de différence entre les deux véhicules avec la motorisation susmentionnée…
Deuxième niveau de finition
Style pour l’Alhambra ; Confortline pour le Sharan
1.4 TSI 150 ch BVM6 – Alhambra : 31 150 € ; Sharan : 32 950 €
2.0 TDI 140 ch BVM6 – Alhambra : 34 350 € ; Sharan : 36 340 €
2.0 TDI 140 ch DSG6 – Alhambra : 36 100 € ; Sharan : 38 090 €
2.0 TDI 170 ch DSG6 – Alhambra : 37 300 € ; Sharan : 40 035 €
L’Alhambra gagne : 4 HP ; climatisation automatique bizone ; tapis de sol AV et AR ; volant cuir.
Le Sharan gagne : rails de toit noirs.
Ils gagnent en commun : antibrouillards ; capteurs de pluie et de luminosité ; jantes alliage 16 pouces ; prises auxiliaire/USB ; rétroviseur intérieur électrochromatique ; dossier du siège conducteur électrique ; siège passager réglable en hauteur ; volant multifonctions.
L’Alhambra gagne en plus : rails de toit en aluminium ; rétros rabattables électriquement ; sellerie velours – tissu sur le Sharan.
Le Sharan gagne en plus : chargeur CD ; écran tactile pour l’ordinateur de bord ; radars de stationnement AV/AR.
Option commune : portes latérales coulissantes électriques – Sharan : 675 € ; Alhambra : 960 €, avec le hayon électrique. 590 € en sus pour ce dernier sur le Sharan…
2 sièges supplémentaires
Alhambra : 885.
Sharan : 865 €. A noter, le Sharan propose un configuration 6 places à partir de la finition intermédiaire, moyennant 770 € - configuration indisponible sur l’Alhambra.
Conclusion : l’un préfère les rétros rabattables, l’autre les radars de stationnement, mais, globalement, les deux dotations s’équivalent au niveau de finition intermédiaire, quelle que soit la configuration intérieure choisie. Du coup, l’ampleur des écarts de prix, en très nette défaveur du Sharan, laisse perplexe. A tel point qu’on frise l’absurde avec la motorisation 2.0 TDI 140 : l’Alhambra équipé de la boîte robotisée DSG6 demande moins d’argent que le Sharan doté de la BVM6. Comble de malchance, le chargeur CD, les radars de parking et… la caméra de recul sont, sur l’Alhambra, regroupés dans un pack optionnel réclamant 455 €. Moralité, l’espagnol est alors mieux équipé que l’allemand, et il coûte toujours moins cher.
Troisième niveau de finition
Techside pour l’Alhambra ; Carat pour le Sharan
1.4 TSI 150 ch BVM6 – Alhambra : 33 885 € ; Sharan : non proposé
2.0 TDI 140 ch BVM6 – Alhambra : 37 085 € ; Sharan : 40 440 €
2.0 TDI 140 ch DSG6 – Alhambra : 38 835 € ; Sharan : 42 190 €
2.0 TDI 170 ch DSG6 – Alhambra : 40 035 € ; Sharan : 43 690 €
L’Alhambra gagne : radars de stationnement AV/AR.
Le Sharan gagne : rétroviseurs rabattables
Ils gagnent en commun : aide au démarrage en côte Auto Hold ; caméra de recul ; connexion Bluetooth ; navigateur GPS avec écran tactile ; portes latérales coulissantes + hayon électriques.
Le Sharan gagne en plus : éclairage d’intersection ; jantes 17 pouces ; sellerie Alcantara ; sièges AV chauffants ; toit ouvrant panoramique.
2 sièges supplémentaires
Alhambra : 885 €
Sharan : 1 430 €
Conclusion : au plus haut niveau de gamme, le Sharan est mieux équipé, en série, que l’Alhambra et justifie ainsi ses prix plus élevés. C’est juste une histoire de proportions, là encore très déraisonnables. Résultat, même en additionnant toutes les options – les jantes 17 pouces et le toit ouvrant panoramique sont regroupés dans le pack Design : 1 375 € - de l’Alhambra, ce dernier demeure toujours plus avantageux. La sellerie cuir comme les phares bi-xénon, avec feux diurnes, sont optionnels dans les deux cas.
Conclusion générale : sauf à considérer Volkswagen comme une marque plus valorisante que Seat, ou à trouver la face avant du Sharan plus jolie que celle de l’Alhambra, l’achat du Sharan est une perte d’argent pure et simple. Avec l’Alhambra, vous aurez les mêmes qualités pour moins cher. Avec en sus un équipement aussi bien fourni, voire plus, en jouant avec les diverses options. Comprenne qui pourra, ou qui voudra…
J. B.