Retour sur image
Si l’actualité d’Audi, c’est d’abord la petite A1, dont nous vous livrerons bientôt l’essai et le nouveau coupé A7, officialisé au Mondial, il nous a semblé nécessaire de revenir sur le vaisseau amiral de la marque, tant cette nouvelle génération d’A8 fait preuve d’un tel degré de raffinement et de sophistication. C’est ça le vrai luxe. Même si il se paie au prix fort…
Par Jean-Michel Cravy
Génération après génération, Audi met la barre toujours un peu plus haut, et l’épée dans les reins de ses rivales de toujours : Mercedes et BMW. Et année après année, lentement mais sûrement, la marque aux anneaux parvient à prendre l’ascendant. Aujourd’hui en Allemagne, l’éternel champ de bataille de cette interminable guerre fratricide, Audi est bel et bien devenue, au grand dam de ses adversaires, la marque favorite des hommes d’affaires et des leaders d’opinion.
Surtout avec cette nouvelle génération d’A8, qui conjugue à merveille hyper technologie, performance de haut vol, raffinement extrême, le tout dans une ambiance de luxe certain mais sans esbroufe inutile de nouveau riche, comme il sied à ceux qui recherchent une certaine discrétion de bon aloi, susceptible d’être admise par tous, y compris par ceux (les plus nombreux, évidemment) qui ne pourront jamais se la payer. L’Audi A8, c’est tout ça, poussé jusqu’à l’extrême… Ou comment le luxe peut se rendre acceptable aux yeux des « salauds de pauvres », dont nous sommes, ça va sans dire !
Comment dire ? Vous rencontrez une Audi A8 au hasard de vos pérégrinations. Vous appréhendez sa stature considérable (5,14 mètres de long) qui la démarque du commun des modestes citadines lambda, et marque sa classe… évidemment supérieure. Mais vous n’êtes pas heurté par un design exacerbé et provocateur, style « je vous en mets plein la vue, parce que j’en ai plein les poches », façon Rolls Royce ou autres Maybach. Au contraire, vous appréciez les volumes parfaitement équilibrés, la simplicité des formes, qui trahissent, en réalité, un soin maniaque à effacer les effets de style inutilement agressifs.
Vous jetez un coup d’œil à travers la vitre. Vous contemplez un habitacle que vous devinez raffiné et cossu, fait d’un cuir de la meilleure eau, de quelques parements de bois précieux (dont vous ignorer la palette de choix, considérable), entourés de fins filets d’aluminium. Vous enviez cette ambiance dont vous ne profitez qu’avec les yeux, comme jadis les pauvres ne pouvaient humer dans la rue que le fumet d’une volaille rotie à la broche, faute de pouvoir se l’offrir.
Et puis vous avez la chance, comme nous, de pouvoir en prendre possession, ne serait-ce que quelques jours… Et là vous découvrez un autre monde. Un monde de vrai luxe, celui qui sait se faire discret. Le luxe véritable, celui de la perfection, sans inutile esbroufe, avec robinets en or à tous les étages…
L’Audi A8, alors, est-ce une voiture de maître avec chauffeur ? Ou bien une voiture à conduire avec volupté ? Les deux ! On peut certes profiter à l’arrière des fauteuils cossus (chauffants et ajustables en tous sens) qui s’offrent à vous, séparés par un accoudoir digne d’un lobby d’hotel 5 étoiles, de la climatisation automatique, quadrizone comme il se doit, des stores électriques de vitres latérales et de lunette arrire qui vous mettent à l’abri du manant, de la sono Bang & Olufsen 1 400 watts déversée par 19 haut-parleurs (!). Le tout dans une habitabilité quand même mesurée, comparée à celles d’une Classe S ou d’une Série 7 comparables. Vous me direz que l’A8 existe aussi en version Limousine, plus longue de 13 cm (5,27 m au total). Tout est possible chez Audi…
Mais le meilleur reste à l’avant, au volant. Au point de rêver d’être engagé comme chauffeur. Même sans salaire… A condition d’avoir fait le stage de formation pour maîtriser la somme technologique que représente une A8 pour en maîtriser toutes les subtilités. Par exemple le Predictive Road Data, ou le système Pre Sense, qui utilisent la navigation GPS pour analyser la route et le trafic afin d’adapter le comportement de l’auto avec ses assistances de conduite (régulateur de vitesse, éclairage multi-directionnel, gestion d’un risque de pré-collision…). Ou encore le système de vision de nuit auto-adaptatif (pleins phares qui passent en code à l’approche d’une voiture, vision infrarouge, détection de piétons sur la route ou sur le bas côté). Et on vous passe de multiples autres raffinements qu’il faudrait des semaines de fréquentation assidue pour les découvrir et les maîtriser…
Sous le long capot, on peut envisager un V6 essence 3.2 TFSI (290 ch, transmission intégrale, nouvelle boîte tiptronic 8 vitesses), à 84 000 € déjà. Ou un incontournable diesel (soit un classique 3.0 TDI Quattro de 250 ch (82 000 €), soit un beau V8 4.2 TDI, Quattro lui aussi, de 350 chevaux, frôlant les 100 000 € en finition « de base », si l’on peux dire). On peut, à l’opposer, carrément se lâcher et s’offrir, si on en a les moyens (plus de 130 000 €, au diable l'avarice) le fameux W12 6 litres de 450 chevaux avec son originale architecture en double V12, depuis adapté à l’injection directe comme ses petits frères, soit en version berline, soit en version limousine.
Mais à notre sens la motorisation idéale d’une Audi A8, le « juste milieu » si on peut dire, c’est avec un V8 4.2 FSI essence de 372 chevaux. Certes moins coupleux que son homologue à gazole, mais tellement plus soyeux, alerte, enthousiasmant dans son usage quotidien ! Le tarif, c’est 110 000 €, en finition haut de gamme Avus. C’est beaucoup d’argent, oui, mais ça les vaut.
Une mécanique veloutée, capable de ronronner silencieusement aux allures réglementaires, comme d’envoyer le son avec une formidable énergie pour effacer en un clin d’œil tout ce qui circule, mettant en valeur le dynamisme d’une auto pesant tout de même ses 1,8 tonne malgré sa constitution tout alu. Au risque bien sûr de réveiller un radar sournoisement assoupi dans un bas côté. Une mécanique dont pourtant on ne parvient jamais à se lasser, même quand on l’utilise avec mesure. Surtout quand elle affiche alors une modeste et hypocrite consommation moyenne de 9,5 litres aux 100.
Alors de deux choses l’une. Ou bien vous êtes riche, et vous vous offrez une Audi A8 full options (elles sont innombrables, et particulièrement onéreuses, mais vous n'allez quand même pas vous plaindre ?), si possible motorisée au minimum par un V8, il faut bien tenir son rang. Ou bien, pauvre de vous, vous vous faites engager comme chauffeur par celui qui en a eu les moyens, le malheureux, pour la partager avec lui en toute égalité. C’est ce qu’on peut appeler une lutte de classe…
J.-M. C.