La célèbre petite sportcar britannique
fête ses 50 ans
Avec la capote baissée - sans trop vous presser - vous descendrez les Champs-Elysées - et les copains vous voyant passer - diront, médusés - y a pas à dire, cette voiture-là - ouah, elle est terrible ! (Johnny Hallyday, 1962).
Par Patrice Vergès
Une poigne ferme pour ré-enclancher la 3e, bien dure, aidé par un double pédalage qui fait gronder les 1800 cm3 aux entrailles de fonte, ronronnant paisiblement sous le long capot. Sur un filet de gaz, dans la succion gourmande des deux carburateurs SU, la MGB repart vaillamment à la conquête de la route en se secouant gentiment du fondement sur le revêtement bosselé.
Le sommet du crâne léché par l’air chaud de cet éternel mois de septembre de rêve aux odeurs d’été finissant, quelque soit en vrai la saison, le coude gauche à angle droit coincé contre la portière, le buste vertical, les jambes bien allongées, le coude droit posé sur le tunnel central qui distille sa douce chaleur, les mains tenant fermement le grand volant vertical, le conducteur d’une MGB d’aujourd’hui, comme celui d’hier, déguste les kilomètres.
Héritière d’une longue lignée
Aujourd’hui, on aime une MGB pour tout ce que justement on n’aimait pas d’elle hier. Sa silhouette lisse et plate d’une douceur presque féminine, son 4 cylindres plus souple que puissant, qui hait les hauts régimes mais dont la tonalité virile nourrit l’illusion de la vitesse, sa direction précise mais dure, les sautes d’humeur de son essieu arrière rigide, l’effort physique exigé pour l’arrêter vite et bien, le respect qu’elle exige sur le mouillé, la modération d’accélération qu’elle demande sur un dos d’âne. En fait, on la respecte pour toutes ces émotions absentes de nos voitures modernes qui, en pardonnant tout, ont fait disparaître le mal qui permet au bien d’exister.
Présentation officielle de la MGB en 1962
Pour être franc, en 1962, elle avait un peu déçu les inconditionnels de la vieille marque britannique fondée par Cecil Kimber. Au début des années 20, à partir d’une Morris, il avait élaboré une voiture sportive vendue dans son garage à l’enseigne Morris d’où les initiales MG.
MG Midget 8/33 1928 MG TA 1936
MG TF 1954 MGA 1955
La MGB était l’héritière d’une glorieuse lignée de MG, de la fameuse Midget des années 30 en passant par les TA, les TC et les TF, jusqu’à la mythique MGA qui tira sa révérence en 1962 lorsque la MGB lui succéda.
Salon d'Earls Court à Londres, 1962
Celle-ci reprenait de nombreux éléments de l’ancienne, notamment sa mécanique peu sophistiquée, rhabillée par une carrosserie autoporteuse plus moderne, offrant davantage de confort et une meilleure qualité de vie à son bord.
Triumph TR4 Austin Healey 3000 GT
Si sa silhouette était agréable à regarder, sa latinité manquait un peu d’agressivité face à celles de la TR4, pourtant dessinée par Michelotti, un designer italien de talent, et de la « Big » Healey 3000 GT, british jusqu’à la caricature, celle-là. Certes, elle filait à 165 km/h mais ce n’était pas époustouflant pour une 1800 cm3 de 1962 puisque une Alfa 1300 Giulietta était déjà plus « véloce ». Il est vrai que le vieux bloc tout en fonte ne développait que 96 ch SAE (soit à peine 88 ch DIN d’aujourd’hui) au régime tranquille-pépère de 4500 tours. Bref, les fanatiques de la marque avaient espéré une évolution plus radicale et des performances plus détonantes.
Succès fou aux USA
Mais la MGB exhalait un charme fou qui faisait oublier la timidité de son évolution par rapport à la A. D’abord, ses lignes élégantes rassurèrent les femmes qui l’adorèrent car elle était assez facile à conduire par rapport aux autres roadsters britanniques de l’époque, un peu trop machistes. Sa planche de bord constellée de cadrans ronds séduisit aussi les hommes, attirés par ce court levier de vitesses planté sur la console surmontée du haut-parleur de forme octogonale en rappel à l’emblème de la marque d’Abingdon, et par ce frein à main coincé contre le siège de la passagère, impossible à desserrer sans caresser sa cuisse gauche. Le couple omniprésent du 1800 cm3 permettait de déborder la sage berline de papa sans toucher au levier de vitesses, rien qu’en appuyant sur l’avertisseur central à dépression optionnel claironnant la Cucaracha pour demander le passage sur la N7, la route des vacances qui descend à St Paul de Vence.
© Starter
Grâce à un prix raisonnable de 15 950 francs de l’époque (soit quand même autour de 30 000 euros d’aujourd’hui) hélas alourdi par beaucoup d’options indispensables comme le chauffage et les roues à rayons, la MGB rencontra un joli succès en France auprès d’une clientèle qui trouvait la gracile Spitfire 1100 pas assez et la virile TR4 un peu trop. La MGB était une synthèse réussie de toutes les sportives d’alors.
Mais c’est surtout aux USA qu’elle fit un tabac car elle représentait exactement ce que les Américains - qui achetèrent 80 % de sa production - souhaitaient d’une voiture sportive. Soit plus de paraître que d’être.
En 1966, la MGB eut même une deuxième vie avec la version GT. Grâce au talent de Pininfarina. Il transforma ce cabriolet en distingué coupé 2 plus 2 aux formes d’une pureté absolue. Son élégant hayon arrière lui donnant un parfum d’Aston Martin ou de Jaguar E du pauvre attira beaucoup de quadras désargentés aux tempes argentées désirant se démarquer. Et se faire remarquer...
Toujours un groin qui me rappelle
Hélas, l’incompétence des dirigeants de la British Leyland qui reprit la marque ne lui donna pas la fin de vie qu’elle était en droit d’espérer. Elle fit le combat de trop en essayant de s’adapter à l’air du temps et aux normes de sécurité américaines qui la défigurèrent en lui faisant adopter notamment un groin en plastique toc. Fort heureusement, l’arrêt de son importation en France nous fit échapper à sa déchéance physique, dure à regarder au fond de ses phares.
MGC 6 cylindres, reconnaissable à sa bosse de capot
Pendant sa longue existence qui s’étira sur près de 20 ans, sous le nom de MGC elle hérita d’une mécanique 6 cylindres 2,9 l héritée de l’Austin Maxi pour tenter de remplacer la big Healey, et même du V8 3,5 l de la Rover qui ne rencontrèrent pas une grande audience. Pourtant, si le 6 en ligne plein fonte plomba sa carrière parce que pesant trop lourd sur son nez, le V8 ultra léger et ultra compact hérité de chez Buick, si il n’était pas un foudre de guerre et si il buvait un peu trop, n’avait pas que des défauts. Il avait du couple et un potentiel de développement quasiment infini. Dommage...
MGB V8 à moteur Buick/Rover
Mais en 1980, le monde avait changé et la MGB était d’un autre temps. Elle le quitta discrètement, du bout des jantes, après avoir été produite quand même à près de 525 000 exemplaires. Un chiffre colossal pour ce genre de voiture.
MG RV8 MG-F
La MGB n’a laissé que d’heureux souvenirs à ceux qui en ont possédé une au temps de sa splendeur, puis plus tard auprès des nombreux collectionneurs qui louent sa robustesse et son agrément d’utilisation. Son succès post mortem incita MG a relancer la fabrication de coques neuves puis au milieu des années 90 à donner le jour à une version revisitée, dite RV8, à moteur V8 Rover 3,9 l produite à 2000 exemplaires. Tous à conduite à droite, ça va de soi. En 2005, la fin tragique de MG, avec la type F à moteur central comme dernier avatar, a sonné tous les fanatiques de la vieille marque anglaise qui croient, comme on croit en Dieu, à son éternelle résurrection du coté des Chinois qui n’en finissent pas de ne pas finir sans recommencer.
Pour cette raison, la MGB n’est pas un véhicule rare aujourd’hui, qu’il est possible de dénicher en bon état entre 7500 et 15 000 euros environ. Une somme raisonnable eu égard aux joies de rouler dans ce cabriolet au nom emblématique, relativement bien élevé pour une quinqua et qu’on a plaisir à réveiller le dimanche matin en la redécouvrant dans la pénombre d’un garage. Ce, avant de se glisser dans le tunnel surbaissé et étriqué de l’habitacle, tourner la clé de contact plantée au cœur de la planche de bord, illuminer le voyant « ignition », réveiller les fines aiguilles blanches des cadrans noirs de chez Smiths, dans le sifflement de la pompe électrique qui troue le silence avant de le déchirer du grondement galopant du 4 cylindres. Du bonheur, tout simplement.
© Starter
Post scriptum
MG story : octogonal revival
Il y a des mots ou des lettres magiques qui claquent aux oreilles et font battre les cœurs. C’est le cas de la marque MG dont les deux lettres évoquent un constructeur automobile de légende. L’histoire, en effet, n’a pas commencé avec la B. Tout a commencé il y a près de 90 ans.
La toute première auto aux armes de Morris Garage, immatriculée FC 7900. The Old Number One...
Cecil Kimber à son bureau Cecil Kimber au volant d'Old Number One
Il s’appelait Cecil Kimber. Aux débuts des années 20, c’était le jeune directeur d’une concession automobile située à Oxford, baptisée Morris Garage. Passionné de compétition automobile, Kimber décida de réaliser une petite voiture de sport bon marché à partir d’une base mécanique de Morris. Dès 1924, il proposa ce petit roadster sportif à la clientèle sous le nom de MG, l’acronyme des initiales du garage. Pas chère, assez rapide, du moins pour l’époque, habillée d’une carrosserie formidablement sympathique, la MG dont le sigle était enfermé dans un octogone fut bien accueillie par un clientèle jeune.
Face au succès de ce petit roadster, la marque naissante fut obligée de déménager dans une petite usine située à Abingdon qui devint rapidement un lieu de culte pour tous les déjà nombreux fanatiques de la marque. D’ailleurs dès 1930 le premier club MG vit le jour, cultivant le mythe de l’octogone enserrant les deux lettres.
MG PA Coupé Airline 1935
Kimber était non seulement passionné, mais il avait du flair. Il avait compris que la jeunesse désirait une petite voiture sportive de prix abordable qui n’existait pas alors en Grande Bretagne. La minuscule Migdet dévoilée aux débuts des années 30 ne pouvait que les séduire. Dans le grondement évocateur de son échappement assez libéré, l’adorable petite MG emmenait ses deux passagers collés « l’une contre l’autre », cheveux au vent à l’allure ahurissante de plus de 100 km/h en les secouant joyeusement, distillant l’ivresse de la vitesse.
MG TC 1939
Le mythe de l’octogone
MG EX. 181 et Stirling Moss à Bonneville, 1957 MGC GTS Racing aux 12 h de Sebring, 1969
Grâce à la compétition notamment, et plusieurs tentatives de records de vitesse qui firent beaucoup de bruit à l’époque, la marque MG jouissait d’une réputation très flatteuse qui lui permit d’exporter ses voitures notamment aux USA, très friands de ce type de véhicule. Plus tard MG, dont la notoriété s’était accrue, fut intégrée dans le groupe Morris ce qui provoqua une réorganisation de la marque et le départ de Kimber, qui disparut accidentellement en 1945. Mais son effet positif fut de permettre à MG de produire des voitures à un rythme plus élevé sous la forme d’une gamme élargie, surtout quand Morris fusionna à son tour avec Austin, donnant le jour à la fameuse BMC (British Motors Corporation).
En 1955, la MGA 1500 provoqua un formidable engouement. Non seulement, elle était magnifique avec une ligne fuselée symbolisant, même à l’arrêt, l’excès de vitesse, tout en offrant des performances peu communes pour l’époque avec 160 km/h, tout en restant fidèle à l’esprit des premières MG. A savoir son rapport prix/performance exceptionnel. C’était la voiture personnelle du Duc d’Edimbourg. Ce qui ne l’empêcha pas de connaître une belle carrière en compétition épaulée par des berlines à connotation sportive comme les célèbres Magnette, puis une petite sœur 1100 cm3 dès 1962 baptisée Midget reprenant le nom de sa glorieuse aînée des années 30.
La MGB qui succéda à la MGA en 1962 rencontra un meilleur accueil encore puisque près de 550 000 exemplaires furent fabriqués pendant prés de 20 ans avant que les normes de sécurité très pénalisantes la tuent, notamment aux USA où elle était adorée, symbole de la voiture sportive européenne. British Leyland, fier de posséder dans son giron un nom aussi fort surtout dans l’imaginaire, le réutilisa sur une Metro plus sportive puis sur une Maestro et enfin sur une Montego turbocompressée. Mais, elles n’étaient que des succédanés.
La marque britannique décida de redonner vie à une vraie MG en 1996 avec la MGF reprenant l’esprit des petits roadsters sportifs qui avaient fait la réputation de la marque. Son accueil montra que le nom MG avait encore une résonance forte dans le cœur et dans l’esprit de tous les passionnés de l’automobile. Hélas, on sait que tout cela se termina mal au milieu des années 2000. Qu’importe ! Il suffit de voir le nombre de clubs de la marque dans le monde, fanatiques de l’octogone pour se rendre compte de l’émotion que la marque suscite toujours.
P. V.