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31 août 2010 2 31 /08 /août /2010 12:33

 

Alpine A110 88

Du temps de sa prime jeunesse, l’Alpine 1600 S était déjà une légende. Elle était pratiquement l’unique voiture de production française capable non seulement de gagner des courses mais de remporter le titre de Championne du Monde des rallyes. Aujourd’hui devenue une sorte d’icône mécanique, son seul nom réveille des rêves perdus. Revivons les ensemble...

 

Par Patrice Vergès

 

Alpine A110 18Placer doucement son nez léger à la corde, laisser glisser doucement l’arrière qui ne demande que ça. Par atavisme. Bien entendu, il faut expressément éviter de trop la freiner et surtout ne pas violenter la suspension afin de ne pas détruite le fragile équilibre de son carrossage versatile. Comme par miracle, pendant que ce mouvement pendulaire cesse, avec il est vrai l’aide plus ou moins subtile de l’accélérateur et évidemment de la direction, la voiture se remet en ligne. Ce miracle automobile se produit dans tous les virages à condition d’avoir la foi, de bien connaître sa religion et de la pratiquer le plus souvent possible. 

 

Saynète en Berlinette

 

Alpine A110 67

Incroyablement menue et gracile, la Berlinette bleue enroule les esses avec une allégresse qui réjouit le conducteur du troisième millénaire, étonné que cette voiture vieille de plus de 35 ans marche aussi fort, même si ses rides se perçoivent au niveau de détails comme le freinage ou la commande de boîte trop lente.


Alpine A110 42

Elle semble glisser d’une courbe à l’autre sans effort, sans résistance, sans roulis, sans inertie, sans toucher aux freins à l’allure gentille à laquelle nous l’emmenons. Aller vite, c’est déjà autre chose. Aller très vite comme les Thérier, Andruet, Nicolas et consorts c’était carrément de la magie bleue.


Alpine A110 36Le secret de l’Alpine, c’était de peser trois fois rien, à peine un peu plus de 700 kilos pour 125 ch DIN ; un rapport poids performance encore pertinent en 2010. Plus de 200 chrono en pointe et moins de 29 secondes aux 1000 mètres.


Alpine A110 71Pourtant, ces performances ne représentent rien, absolument rien par rapport à la vitesse hallucinante à laquelle déboulait l’Alpine sur les routes sinueuses. Si elle était gauche en ligne droite, où elle se cherchait beaucoup, elle était follement adroite en virage à condition évidemment d’avoir le talent d’exploiter son fabuleux potentiel et surtout avoir le feeling. Il fallait faire corps avec. Respirer d’un même cœur. Sinon, c’était le rejet total. Humiliant. Certains pilotes de grande renommée s’étaient cassé les dents sur la Berlinette. Ils n’y avaient rien compris, surtout les vrais pistards.

Totalement incompréhensible

Alpine A110 41

De toute façon, il n’y avait rien à comprendre. Sa fabuleuse efficacité était le fruit d’une succession d’évolutions empiriques, sous la houlette magique de Jean Rédélé, qu’on peut qualifier de totalement anti-mécaniques. Née pratiquement  sur la base technique de la 4 CV Renault (et sur un dessin original de Michelotti), en conservant ses dimensions initiales et son architecture, notamment son empattement hyper-court de 2,10 m à la limite du risible, et une suspension arrière à essieu « brisé » c’est à dire à carrossage plutôt inconsistant et surtout inconstant, oscillant constamment entre le positif et le -très- négatif, elle se retrouva en 1971 avec un gros 1600 cm3.


Alpine A110 49Généreusement gonflé à 125 ch, ce groupe issu de la R16 concourait à lui donner cette absence de tenue de route née de son rapport des masses délirant dû au moteur en copieux porte à faux arrière, de son poids de voiturette sans permis, de son centre de gravité très bas et de sa suspension dont on avait outrageusement accru le carrossage négatif pour élargir les voies originalement étriquées, dans le même temps où ses hanches devenaient de plus en plus hypertrophiées.

Alpine A110 72D’arrière, on aurait cru un vieux rocker sexagénaire. Cette suspension d’un autre temps était accrochée à une poutre centrale hyper légère générant une bonne rigidité et aussi une belle élasticité semble-t-il. Car certaines Alpine qui avaient tapé, ce qui était assez habituel, marchaient encore plus vite en virage que des neuves sorties de Dieppe, encore bien en ligne !

 

Descendre en Berlinette

 

Alpine A110 51

On ne rentre pas dans une Berlinette, on y descend. On n’en sort pas, on s’en expulse la tête en avant comme dans un accouchement car elle est incroyablement basse, et belle dans son animalité sensuelle. Avec ses 1,13 m de hauteur, l’Alpine se regarde toujours de haut mais avec respect, chapeau bas. Il faut se glisser dans l’étroit habitacle sombre parsemé de pièces de bric et de broc après avoir ouvert la légère porte hésitante sur ses fixations, puis inscrire la tête puis le corps et enfin les jambes en se martyrisant le genou gauche dont la rotation est brisée par le passage de roue.



Alpine A110 45On se retrouve en travers, coincé contre la poutre centrale et la porte refermée sans bruit sur un siége étonnamment douillet, face à une planche de bord dégorgeant de cadrans qui semblent se bousculer pour mieux apparaître sur la photo dont les longues aiguilles vertes se sont décalées pour être dans le feu de l’action face aux yeux du conducteur. A moins de Alpine A110 8090 cm du sol, la visibilité à bord est nulle, mangée par le minuscule pare brise occulté par le rétroviseur et l’inclinaison de la lunette vite polluée par la buée. On joue alors sur l’inclinaison du dossier qui, en reculant le dos du minuscule volant en cuir autorise cette fameuse conduite bras tendus si caractéristique. A l’époque, les rallymen ne conduisaient pas le nez dans le guidon comme ceux d’aujourd’hui.

Parfum intime

Alpine A110 70

La Berlinette exhale une forte odeur intime de ses pores de composites. Un curieux parfum de diluant et de colle, de caoutchouc, d’huile chaude et d’essence issus du moteur placé dans le dos. Pas question d’oublier que le 4 cylindres est là à quelques centimètres des oreilles car les larges trompettes de 45 des colossaux Weber qui l’alimentent généreusement, via la grosse prise d’air extérieure située sur l’aile, sont à gauche alors que l’échappement est à droite sur la 1600 S. L’inverse de la 1300 S, reconnaissable à ce détail anatomique.


Alpine A110 34Le bruit grave et viril semble provenir davantage de l’admission et des profondeurs du bloc en alu que de l’échappement qui déjà ne fait pas dans le discret. Une rugissement puissant, hésitant en dessous de 3500 tours où il avale trop d’essence avant de répartir sèchement vers 6000 tours. Après, on retrouve des sensations de voitures de course ; le bruit, la chaleur, quelques claquements mécaniques, pas mal de bonnes vibrations et le grognement de la transmission et du couple et surtout la vitesse de passage anormalement élevée. Quel pied ! Cela dit, vivre quotidiennement avec une Berlinette et ses exigences, ses travers, ses vices, ce n’était pas que du bonheur. C’est plein de malheurs, un bonheur !


Alpine A110 64

Je me suis souvent demandé pourquoi entre la Berlinette et ses propriétaires il y avait un tel lien affectif, presque amoureux, sensuel même. C’est peut être parce qu’elle vivait, respirait, criait, aimait, détestait. C’était certainement la plus humaine des voitures. Une de celles dont on a la certitude qu’elle a… une âme ! Saint Augustin lui-même n’en aurait pas douté.


Patrice Vergès

 


Alpine A110 30

 

 

 

 

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commentaires

R
<br /> Un magnifique article pour une voiture d'exception qui me donne toujours au temps de frisson<br /> <br /> <br />
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