Bonne nouvelle, Saab est encore en vie. Il y a deux semaines, les observateurs ne donnaient pas cher de sa peau, mais fort heureusement, un Chinois plein aux as passait par là. Le groupe de distribution Pang Da dépose sur la table des mallettes pleines de dollars, et ce faisant, redonne espoir au constructeur suédois. Evidemment, il y a des contreparties… On n’a pas affaire à des philantropes. Décryptage.
Saab a besoin d’argent. En grosse quantité, et vite. Pour une raison toute simple. Depuis l’éviction du groupe GM et le rachat par le néerlandais Spyker, rien ne se passe comme prévu. En cause, la nouvelle 9-5, qui devait relancer la machine, mais ne rencontre pas le succès commercial espéré. Pouvait-il en être autrement ?
Tout à fait au niveau requis – aucun doute là-dessus -, ce modèle débute sa carrière dans les pires conditions. Il y a, en arrière fond, la conjoncture économique que l’on connaît, qui par la force des choses rétrécit la part de marché des grandes routières, par nature coûteuses. Partant de là, il faut croire en sa bonne étoile pour débarquer dans un secteur aussi concurrentiel, dominé par trois cadors – les Audi A6, BMW Série 5 et Mercedes Classe E – qui squattent toute la place. Les Jaguar XF et Volvo S80 en savent quelque chose. Et puis, et par dessus tout, l’état de grande fragilité dans lequel se trouve le constructeur suédois ne rassure guère la clientèle intéressée. Acheter une Saab aujourd’hui est un acte de foi. Bref, et comme attendu, la 9-5 n’est pas un « produit miracle ».
Dommage pour lui, Saab n’a que cette planche de salut à portée de main. Le gros problème du suédois, c’est en effet sa gamme, qui nécessite une refonte complète. Pour l’heure, elle se résume à une familiale vieillissante, certes encore attrayante notamment dans sa variante cabriolet, une nouvelle routière confrontée à une concurrence féroce et un SUV fraîchement débarqué des Etats-Unis. Ce n’est pas avec ça que l’on fait fortune.
En prime, ledit SUV, alias 9-4X, se pointe en Europe sans diesel dans sa besace – voir les prix en fin d’article. Deux gros V6 essence surpuissants figurent au programme, et il ne faudra donc pas trop compter sur lui pour renflouer les caisses. Pour le coup, on frise la faute professionnelle lourde. Incompréhensible, d’autant que GM, maître d’œuvre de l’engin dans les faits, a tout le nécessaire en magasin. Passons. Au bilan, la conclusion s’impose d’elle-même : Saab doit impérativement élargir sa gamme. Vers le bas, vers des catégories automobiles à très grande diffusion. On le sait, une familiale compacte est programmée à plus ou moins long terme, mais concevoir puis produire une nouvelle voiture demandent du temps et de l’argent. Saab n’a ni l’un ni l’autre.
Le 9-4X est fabriqué aux Etats-Unis, dans les usines de General Motors.
Le décor planté, ce qui devait arriver arriva. Les objectifs fixés par Spyker n’ont pas été tenus. En 2010, les dirigeants du groupe tablaient sur 50 000 ventes, mais il en manquait 20 000 au terme de l’exercice. De même planifiaient-ils 80 000 unités pour l’année 2011, une prévision qui à cette heure relève du rêve éveillé. Partant de ce manque à gagner, tout s’enchaîne. Les fournisseurs tapent aux fenêtre avec insistance, Saab ne peut les payer et stoppe les machines le 6 avril dernier. Le voilà à la recherche de liquidités pour régler ses dettes et relancer la production.
L’affaire débute mal. Pour rappel, le montage financier concocté par Spyker intégrait le groupe chinois Hawtai, lequel s’engageait à fournir 150 millions d’euros suite à un accord signé le 3 mai. Patatras, celui-ci est dénoncé neuf jours plus tard, notamment par le gouvernement suédois. Grand moment de solitude dans les locaux de Saab... Heureusement, la Chine compte un fort contingent de généreux mécènes. Le distributeur Pang Da – vingt marques distribuées, 926 points de vente dans toute la Chine, 5,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et une entrée en bourse à la fin avril, pour le présenter – entre en scène le 16 mai, en signant un accord commercial avec Saab.
Ce dernier porte sur l’achat de 1 300 voitures destinées au marché chinois, avec à la clef 45 millions d’euros déposés sur la table des négociations. Dont 30 millions disponibles immédiatement, les 15 millions restants étant attendus trente jours plus tard. Saab s’offre ainsi un sursis, sans courir le risque, d’ailleurs, de se retrouver une nouvelle fois le bec dans l’eau. Et pour cause. Une partie de cet accord ne nécessite pas l’approbation des autorités chinoises et de la Banque européenne d’investissement (BEI). Opération « tout bénef », donc.
Le mécène philantrope, évidemment, ça n’existe que dans les contes de fées. Qu’il soit chinois ou pas. Dans les faits, Pang Da prend pied dans la place, puisqu’il récupère au passage 24 % du capital-actions de Spyker. Le montant s’èlève à 65 millions d’euros. Et pourquoi ça ? Parce que l’accord ne se limite pas à l’achat d’une « poignée » de voitures par le contractant chinois. Les deux parties entendent ériger une co-entreprise, appelée non seulement à distribuer des Saab en Chine mais aussi à les fabriquer sur place. A terme et à destination du marché local, utile précision. Il est même question de la création d’une nouvelle marque propre à l’entité ainsi constituée. Pang Da deviendrait, pour le coup, un constructeur à part entière. Ce programme est ambitieux, on le voit, au point de changer la donne pour Saab. Qui ne pouvait espérer mieux dans la situation dans laquelle il se trouve. Un partenaire aux reins solides, de l’argent frais, un débouché sur le marché chinois avec, en sus, une unité de production implantée sur place : le suédois peut à nouveau croire en l’avenir. Si cela se fait…
En effet, cet accord de co-entreprise doit recevoir le consentement de toute une série d’instances aux intérêts pas forcément concordants. « Certaines agences gouvernementales chinoises, la BEI, General Motors et l’Office de la dette suédois », indique le communiqué de la marque. Tous ces braves gens doivent donc s’entendre pour maintenir Saab en vie et lui donner une seconde chance. Please, pas de couac... "Save Saab", et pas seulement pour ce salarié et tous ses collègues, qui défendent leurs emplois. Pour tous les amoureux de cette marque atypique, aussi, dont nous sommes.
La suite au prochain épisode.
Les tarifs du 9-4X
3.0 V6 265 ch : 48 000 €
2.8T V6 300 ch : 52 000 €