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1 juillet 2011 5 01 /07 /juillet /2011 09:00

Jaguar Type E 09Lorsque la Jaguar E a été dévoilée au Salon de Genève en 1961, elle a provoqué des commentaires enthousiastes. Cinquante ans après, cette voiture suscite les mêmes sentiments. La nostalgie en plus.

Par Patrice Vergès

Jaguar Type E 81

Si en 1961, la vision de ce long obus sur roues ciselé pour la vitesse avait enthousiasmé les visiteurs se pressant autour du stand, ils n’avaient pas été étonnés. La Jag E était en fait la version civilisée de la célèbre D-Type victorieuse des 24 heures du Mans.

Jaguar Type E 19

Ses formes aérodynamiques et fuselées étaient légitimes pour les amateurs de la marque de Coventry. 50 ans plus tard, cette légitimité oubliée n’existe plus. Une Jaguar E, surtout en version cabriolet ne ressemble en rien à ce qui roule ici bas, surtout parmi les GT emblématiques. Le temps semble avoir donné d’autres fonctions à son interminable silhouette fuselée cassée par un pare-brise certes aérien mais trop vertical.

Jaguar Type E 50

Dans le contexte hystéro-répressif actuel, la regarder serait déjà presque un délit. Par ses formes, arrêtée, elle semble déjà en excès de vitesse ! En 1961, au contraire d’aujourd’hui, il était de bon ton de s’extasier devant les 240 km/h annoncés par le constructeur au félin bondissant. Une vitesse surréaliste il y a 50 ans !


Du sexe, du sexe, du sexe !

Jaguar Type E 10D’autres sentiments se bousculent à sa vision. Malcom Sayer, l’aérodynamicien dessinateur de la E était-il un obsédé sexuel ? En observant une E, tout fait songer aux choses du sexe comme on dit, autant féminin que masculin : son immense capot turgescent percé d’une bouche gourmande, son étonnant profil phallique, ses hanches rebondies, sa douce croupe ronde et galbée, ses longues et épaisses sorties d’échappement relevées fièrement vers le haut.


Jaguar Type E 75Jaguar Type E 65

Jaguar Type E 46Aujourd’hui, une E se caresse d’abord des yeux puis de la main, fascinés par la rotondité du clignotant arrière, les généreux pots chromés de moto, ses trois essuie glace, la platine en alu bouchonné de son tableau de bord, le longiligne frein à main chromé et bien d’autres détails encore.

 

Vous n’avez encore rien vu. Le colossal capot laisse apparaître un interminable moteur qui s’étire comme un félin au réveil en s’ouvrant sur son double arbre entre ses six épaisses sorties d’échappement et ses trois carburateurs SU HD8 à cloche au dessin d’un autre temps.

Jaguar Type E 30Jaguar Type E 33

A sa sortie, la E a provoqué des commentaires dithyrambiques nés de son esthétique, mais surtout de son étonnant rapport prix-performance comme l’avait fait la HK120 près de 15 ans plus tôt : 240 km/h contre moins de 40 000 francs soit environ 80/90 000 euros 2011. Un tarif inférieur presque de moitié à celui d’une Ferrari, 40 % de moins qu’une Mercedes 300 SL.

Le XK : un gros chat ronronnant

Pour tenir ses prix d’ami, la E construite industriellement à Coventry reprenait le bon vieux 6 cylindres en ligne XK, en version 3,8 l. Un groupe déjà plus tout jeune mais encore vaillant avec ses 265 ch SAE à 5500 tours (220 DIN). Et puis quel pedigree : 5 victoires au Mans, dans les C, puis D. Excusez du peu… Proposé en coupé ou cabriolet ce modèle cachait des dessous fort modernes, notamment une suspension à barres de torsion à l’avant et un essieu indépendant à l’arrière, très sophistiqué avec des disques accolés au pont.

Jaguar Type E 15Jaguar Type E 39

Les essayeurs louèrent bien entendu son esthétique féline, sa tenue de route, sa puissance, sa vitesse et son excellent rapport prix performances. Ils pestèrent contre sa boîte Moss d’un autre temps et un freinage manque de mordant. Jaguar tenta de gommer ces défauts sur la 4,2 l de 1965, déjà créditée d’un plancher creusé pour améliorer l’habitabilité, de siéges plus confortables, d’un moteur plus généreux à bas régime, accouplé à une boîte de vitesses enfin synchronisée et d’un freinage plus mordant.

Jaguar Type E 06Si indiscutablement, une 4,2 l marque un progrès sur la 3,8 l, la première version produite à 15 500 exemplaires dont 7827 cabriolets, reste la plus emblématique à cause peut être de son moteur plus fiable et plus rageur et de sa plus grande rareté.

Une certaine idée du bonheur

Jaguar Type E 18Le temps est assassin. Il l’est d’autant plus pour les icônes surchargées du poids du mythe. Il serait ridicule d’essayer une Jaguar E en 2011 et de conclure qu’elle ne freine pas, que sa boîte est un cauchemar et qu’elle n’accélère plus très fort. Il serait idiot de lui reprocher de trop survirer au lever le pied en courbe où de sous-virer interminablement, emportée par son long appendice. Il serait sot de rappeler qu’à partir de 200 le capot semble hésiter entre le coté gauche originel et le droit et qu’elle exhale des bouffées de chaleur.  Aussi, nous ne le dirons pas.

Jaguar Type E 73Aujourd’hui, il faut conduire une Jaguar E en la goûtant de ses cinq sens. Se glisser par sa porte minuscule avec souplesse dans son habitacle étriqué entre le grand volant en bois et les durs baquets de cuir. Donner la vie au moteur en appuyant sur le bouton poussoir du démarreur au « clonk » si caractéristique. Voir la grande aiguille blanche du compte tours au fond noir se caler sur un ralenti riche de ses trois carburateurs. Après avoir réchauffé patiemment toute la fonte du bloc, lâcher le grand levier chromé avant d’enclencher longuement et étroitement dans un craaaquement le premier rapport à l’aide du minuscule levier pour décoller sur le souffle des six gros poumons à la respiration lourde.

Jaguar Type E 71Le haut du crane fouetté par le vent car dépassant généreusement, le bas du corps caressé par le souffle chaud de la boîte, les yeux magnétisés sur ce long capot renflé qui vampirise plus ou moins l’étroit pare-brise selon l’enfoncement de l’accélérateur pendant que l’essieu arrière dodeline doucement au grés des bosses, l’on ressent un bonheur immense vers 3000 tours. Il serait vain d’aller au delà. Ce qui prouve que le bonheur tient à si peu de choses…

P. V.

 

 

 

Post scriptum

Jaguar Type E 03

De la moquette des salons au bitume des circuits,

de la transgression à l’embourgeoisement

Par Jean-Michel Cravy

Jaguar Type E 02

Jaguar Type E 82Oui, c’est peu dire qu’en 1961 la présentation de la Jaguar E, aussitôt surnommée « la chaussure italienne », avait fait l’effet d’une bombe. Un double bang même, avec d’abord le coupé à Genève en mars, puis le roadster quinze jours plus tard au Salon de New York, dans un décor « façon jaguar » au goût douteux, avec à son bord une panthère en fourrure. Tout un symbole, légèrement appuyé...


William Lyons, le grand patron, pouvait être fier de son coup : le ban et l’arrière-ban de la jet set de l’époque se ruèrent à ses pieds un chèque à la main. Françoise Sagan, Robert Hirsch, Johnny Halliday, Brigitte Bardot, Tony Curtis, Steve McQueen et beaucoup d’autre de moindre volée, tous voulaient leur Type E.

Jaguar Type E 60

On ne parlait plus de « l’homme à la voiture rouge ». Désormais, le happy few du moment, c’était devenu « l’homme à la Jag »… Et puis la « i-taillpe » avait d’entrée de jeu atteint la consécration en entrant derechef au Musée d’Art Moderne de New York.

Jaguar Type E 54

Mais pour que la fête soit complète, il fallait que la jeune effrontée qui taillait des croupières aux Ferrari dans les carnets de commande, les affronte aussi sur les circuits, dans la très prisée catégorie GT. Et là, c’était une autre paire de manches, parce qu’y régnait comme un renard dans un poulailler une certaine Ferrari GTO, qui n’avait de GT que l’homologation… légèrement capillotractée.

Jaguar Type E 12Jaguar Type E 01Pour rivaliser dignement, la Jaguar E se devait de faire du sport pour se muscler et perdre du poids. Ce fut la E « lightwight », un modèle construit à partir de 1963 à 12 exemplaires confiés à des concurrents privés (parmi lesquels la fameuse écurie Ecosse), basé sur le cabriolet mais très allégé grâce à des ouvrants en aluminium, et  muni d’un hard top et d’ailes élargies pour recevoir les jantes Dunlop en magnésium, tandis que le XK 3,8 litres, dont le bloc était en alu et non plus en fonte, troquait ses 3 gros Weber contre une injection à guillotine Lucas plus moderne. Pour gagner en vitesse de pointe, Malcom Sayer avait redessiné un coupé à l’arrière très fin, baptisé « low drag » (faible traînée).

Jaguar Type E 35Mais ça ne suffisait toujours pas pour mater les terribles GTO, qui n’étaient en réalité que des « protos » de course déguisés en voitures de Tourisme… Début 63, Peter Lidner, le fils de l’importateur Jaguar en Allemagne, avait reçu sa Lightweight hard top avec laquelle il remportera la catégorie Tourisme aux 12 Heures du Nürburgring avec son compère Peter Nocker. Mais pour la saison 64, il renvoie la voiture à l’usine pour la faire transformer à l’image du low drag coupé, avec quelques nuances de carrosserie. Forte de ses 344 chevaux SAE pour 945 kg, elle sera la plus rapide de toutes les Jaguar E de compétition (280 km/h en pointe).

Jaguar Type E 52Engagée aux 24 Heures du Mans, elle réalise le 23e temps absolu, mais devra abandonner au petit matin sur casse moteur.


Jaguar Type E 43Ce fut la fin de l’aventure de la Type E en compétition. La E se concentrera désormais sur sa carrière civile. Dès octobre 1964 elle passera à 4,2 litres, reconnaissable à ses phares découverts. Puis le coupé s’offrira un empattement allongé de 20 cm, un pavillon surélevé et plus bombé pour assurer une meilleure habitabilité à l’arrière, au détriment de la pureté de ses lignes. Comme pour confirmer son embourgeoisement, la Type E sera même proposée avec une boîte automatique en option.

Jaguar Type E 40

Puis vint la Série 2 (clignotants et feux arrière sous le pare chocs), surtout destinée à séduire l’Amérique, malgré une puissance en sensible baisse, et enfin la Série 3, dotée d’un V12 plus puissant (272 ch SAE) mais aussi beaucoup plus rond et souple, qui terminera en 1975 la carrière de cette voiture d’exception, diffusée en à peine plus de 72 000 exemplaires, remplacée par une bien insipide XJS. Mais ceci est une autre histoire…

J.-M. C.

 Jaguar Type E 22

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commentaires

S
<br /> Quelle plaisir que de lire cet article !<br /> Cette voiture est tout simplement magnifique et ces photos continuent de me faire rêver... je l'aurais un jour... je l'aurais.<br /> <br /> <br />
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