La remplaçante de la Murcielago a pour nom Aventador, et elle sort du même tonneau. La soumission à l’air du temps reste hors de propos, en clair. Cette brutalité exacerbée n’interdit cependant pas un haut degré de sophistication technique. Témoin, la structure entièrement en carbone. Entre autres…
Lamborghini, c’est le méchant de service. Avec la gueule de l’emploi. On ne porte pas des noms de taureaux de combat tout à fait par hasard… L’appellation Aventador, pour tout dire, fait référence à une charmante bestiole qui fut sacrée, en 1993, « taureau le plus brave » lors d’une corrida espagnole. La couleur est annoncée, comme quoi on ne trompe pas sur la marchandise, chez Lamborghini.
On ne se conforme pas, non plus, à l’air du temps. On n’arrondit pas les angles, à l’image de Ferrari qui lance une FF très propre sur elle, sorte de familiale supersonique « politiquement correcte » dans son aspect physique. Superbe dans le genre GT, il faut le reconnaître. Loin, très loin, toutefois, de la brutalité exprimée sans fausse honte par l’Aventador. Laquelle assume pleinement son statut de « super-ultra-méga » sportive destinée au seul plaisir, que l’on suppose intense, de son heureux conducteur. On n’en fait plus beaucoup des comme ça, du moins chez les constructeurs qui produisent en grande série – façon de parler. Pas même Ferrari, qui n’a plus d’auto ouvertement aussi bestiale dans sa gamme. La marque au cheval cabré se « GTise » à grands pas, ce qui lui réussit plutôt bien sur le plan financier. Elle a donc raison, en attendant la prochaine supercar en provenance de Maranello… Bon sang ne saurait mentir.
Bestiale, donc. L’Aventador, c’est sûr, porte les gènes de la marque, avec sa très caractéristique silhouette surchargée d’angles vifs. L’auto se plie aux codes visuels maison – face avant fuyante, ligne de toit très abaissée, poupe sculpturale -, en ajoutant cependant des proportions plus harmonieuses qu’auparavant. L’Aventador est moins baroque que la Murcielago, en clair, mais tout aussi expressive. Tout aussi avant-gardiste. L’aspect le plus impressionnant, pour autant, reste les dimensions, lesquelles rendent la Lambo franchement spectaculaire. L’œuvre atteint, tenez-vous bien, 2,03 m en largeur – 2,26 m avec les rétros –, et tout juste 1,14 m en hauteur. Un côté reptilien renforcé par les 4,78 m mesurés en longueur, l’empattement s’étendant quant à lui sur 2,70 m. Cette valeur plutôt généreuse laisse présager un volume habitable qui ne l’est pas moins, étant entendu que l’Aventador n’accueille que deux personnes. Position centrale arrière du moteur oblige. On accède à bord par des portières qui s’ouvrent en élytre, et il vaut mieux au vue de la largeur de la voiture…
Cette brutalité assumée n’est cependant pas synonyme d’archaïsme technique. Ce n’est pas le genre du groupe Volkswagen, propriétaire de la marque Lamborghini, qu’il a placée sous la tutelle d’Audi. De fait, l’Aventador est un bijou technologique, et le festival commence par une structure monocoque toute en carbone. Ce matériau composite a, pour rappel, deux vertus, une légèreté et une rigidité exceptionnelles, avec à la clef, dans le premier cas, un poids total de 1 575 kg. Le capot et les portières en alu aidant. L’Aventador est donc moins lourde que la Murcielago, de 90 kg exactement, laquelle était pourtant moins imposante – 4,61 m en longueur. Résultat, le rapport poids/puissance se limite à 2,25 kg par cheval délivré – 700 au total. Une valeur à comparer aux 2,8 kg/ch de la Ferrari 458 – 4,53 m en longueur, 1 380 kg, 570 ch – pour en mesurer toute la portée. Etant précisé que la Ferrari établissait, à ce chapitre, un record lors de sa sortie il y a moins de deux ans. Battu, donc.
Lamborghini n’en reste pas là. Pour la suspension, le constructeur met en place une solution inspirée de la Formule 1, dite « pushrod ». Il s’agit, pour faire court, de combinés « ressort/amortisseur » à poussoirs, qui s’ajoutent aux doubles triangulations de rigueur tant à l’avant qu’à l’arrière. Raccordés à la structure en carbone – et non pas aux porte-fusée – et positionnés horizontalement, c’est à noter. L’ensemble est censé assurer une réactivité surnaturelle, mais pas au détriment du confort, dixit Lamborghini. A vérifier dès que possible, bien sûr…
Autre article ayant fait l’objet de toutes les attentions, la boîte robotisée ISR. A simple embrayage, utile précision, histoire de réduire son poids. Mais très sophistiquée, puisque ledit embrayage compte deux disques et quatre tringles indépendantes. En très, très gros, le passage des rapports s’opère « en parallèle », le rapport suivant celui qui a été engagé étant d’ores et déjà pré-sélectionné. Comme sur une boîte robotisée à double embrayage, mais sans l’inconvénient majeur de cette dernière, à savoir son poids. Lesdits rapports sont au nombre de sept, et inutile de préciser que tout ça fonctionne à la vitesse de l’éclair. Dernière gâterie, l’Aventador s’offre les services d’une transmission intégrale Haldex, le fait méritant d’être souligné, car, généralement, les voitures surpuissantes du groupe VW font appel à un dispositif Torsen – c’était le cas de la Murcielago. La chasse aux kilos superflus a là encore prédominé, et très classiquement, la force motrice se répartit de manière variable, avec une prépondérance sur les roues arrière en conduite courante.
Le moteur, enfin. Belle pièce, en vérité, qui retient douze cylindres pour une cylindrée de 6.5-litres. Tout alu, cela va de soi, et course courte pour bien faire – 76,4 mm. Autant s’attendre, donc, à des rendement vertigineux à hauts régimes, et c’est bien sûr le but de l’opération. Et pour clore les présentations, carter sec et calage variable en continu de la distribution sont de rigueur. Le tout libère, comme susmentionné, 700 ch à 8 250 tr/mn, ainsi qu’un couple de 690 Nm délivré à 5 500 tr/mn. L’Aventador est, partant de là, la voiture de série la plus puissante du marché, la Bugatti Veyron figurant hors concours. Avec au bout du compte, des performances d’extra-terrestre, comme en témoignent les 2,9 secondes demandées pour passer de 0 à 100 km/h et les 350 km/h atteints en vitesse de pointe. Mieux, si l’on ose dire, ce moteur se montre peu gourmand pour une auto de cette envergure – 17,2 l/100 km en cycle mixte, à comparer aux 22 litres de la Murcielago… - et ses émissions de CO2 passent sous la barre de 400 g/km – 398 g/km, soit 97 de moins que ladite Murcielago. L’usage intensif du carbone à son intérêt… CQFD.
Dans tous les cas, le futur acquéreur d’une Aventador devra débourser 2 600 € de malus à l’Etat, une somme qu’il devra ajouter aux 255 000 exigés par le concessionnaire. Hors taxes. Commercialisation au début de l’automne.